Ce discours a été écrit pour l'inauguration de la 2e édition du Printemps du Conte et de la Poésie de Saint Agathon qui a eu lieu les 21,22 et 23 mars 2014, week-end d'élections municipales. Je portais, comme il se doit pour tout discours poli(poé)tique, une tenue de circonstance, robe sérieuse, veste dynamique et talons hauts, et j'ai lu ce texte d'une voix décidée et convaincante...
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,
En ce week-end chargé où des choix électoraux vont se faire pour que des décisions se prennent, que des caps se maintiennent et des virages s’amorcent, je tenais à vous rappeler quelques notions de bon sens. On fête ce mois-ci la poésie et les poètes, toujours les mêmes mis en avant, ces privilégiés qui n’en foutent pas une. Il me semble essentiel, voire vital, de vous mettre en garde contre ces individus peu recommandables. Ne votez jamais pour des poètes ! Les poètes sont dangereux, incohérents, menteurs et fainéants.
Oui je sais je sais, ce n’est pas l’image que les médias vous renvoient, mais qui s’est réellement penché sur les messages distillés par ces écrivailleurs ? qui a étudié leurs propos terroristes, leurs incitations perfides à l’oisiveté onirique ? qui a entrevu le potentiel destructeur pour la société de leurs mots criminels sous des dehors innocents ?
J’ai été victime moi-même de la poésie et de certains poètes en particulier. Un exemple frappant illustre leur infamie. Victor Hugo a perturbé mon enfance et toutes mes notions de biologie puisque jusqu’à l’âge de 13 ans, j’ai cru que sa fille était un papillon. Oui mesdames messieurs, un esprit raisonnable comme le mien troublé par ces quatre petits vers appris en CM2, quatre vers dans le poème « ô souvenirs printemps aurore », que je vous livre :
Elle courait dans la rosée,
Sans bruit, de peur de m'éveiller ;
Moi, je n'ouvrais pas ma croisée,
De peur de la faire envoler.
Voilà, j’ai vraiment cru que sa fille était un papillon. Croyez-vous que je vous le dise sans honte ? Et pourtant il est nécessaire de dénoncer les dangers de la lecture de poésie. Je pense à tous ces enfants à qui on fait apprendre des poèmes de Maurice Carême, notamment celui-ci :
Le chat et le soleil
Le chat ouvrit les yeux,
Le soleil y entra.
Le chat ferma les yeux,
Le soleil y resta.
Voilà pourquoi, le soir
Quand le chat se réveille,
J’aperçois dans le noir
Deux morceaux de soleil.
Ce Maurice Carême s’est-il seulement dit que certains enfants, curieux et néanmoins armés d’un couteau de cuisine, voudraient récupérer des bouts de soleil dans les yeux de leur chat ? Non bien sûr, alors que maintenant que je vous l’ai dit, vous entrevoyez sans peine le gouffre profond de la noirceur de l’âme des poètes.
Et ce n’est pas tout. Les connaissances en astronomie sont bafouées, avec des « Soleils couchants » au pluriel chez Verlaine, les notions d’écologie sont complètement ridiculisées avec des ratons laveurs partout dans l’inventaire de Prévert… Mais ils se droguent ou quoi ces poètes ? En tout cas ils ne sont pas nets.
Tout le monde connaît le premier vers de El desdichado, de Gérard de Nerval. « Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé. » J’ai mené ma petite enquête sur ce de Nerval. Alors d’une part, ce n’est même pas son vrai nom, il s’appelle Gérard Labrunie, tout de suite on se la raconte moins et il n’a jamais été marié, comment a-t-il pu être veuf ?? Les poètes vous mentent !
Et ce n’est pas le seul à avoir eu recours au procédé infâme du pseudonyme, Villon, Lautréamont, Apollinaire, Aragon, Eluard, Mac Orlan et j’en passe ! Si la poésie était un travail honnête, y aurait-il eu besoin de cacher son vrai nom ? Un brave boulanger, un instituteur intègre ne se cachent pas sous des noms d’emprunt. D’ailleurs, ces poètes, ils les empruntent leurs noms mais les rendent-ils seulement ?
Alors certains pour les défendre disent qu’ils font rêver ou qu’ils dénoncent, qu’ils donnent des mots à ce qu’on ne peut dire. Mouais… Pas tout le temps apparemment. Prévert : « Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là. » Ah ben ça c’est étonnant, ça dénonce !… Apollinaire : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine »… Oh la la attention ! Bon si c’est pour sortir des banalités pareilles… Sous les ponts de Nantes coule la Loire. Moi aussi je peux le faire. Ou alors ils sortent des énormités ! Du Bellay : « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. » Un beau voyage… Je n’aurais pas aimé partir en vacances avec Joaquim du Bellay… Personnellement le voyage d’Ulysse, sorcières, sirènes, cyclope… 20 ans pour réussir à rentrer chez soi, c’est pas Center Parks… Un peu à côté de la plaque le Jojo.
Mais il est loin d’être le seul à avoir une vision aussi erronée de la vie, beaucoup trop idéaliste. Guillaume Appolinaire et le chat :
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.
Alors là cher Guillaume, je peux te dire que tu te gourres complètement, que le chat qui passe parmi les livres ne fait pas que passer... non... il les fait tomber par terre et se jette dessus ensuite... tu aurais dû préciser dans ton poème : "Un chat passant parmi les livres / Sans les faire tomber". A noter que ce cher Apollinaire a donné bien des torticolis à nos enfances avec ses calligrammes dont on perdait le bout à chaque fois !!
On peut de plus rajouter aux vices des poètes la paresse : Villon : « Je meurs de soif auprès de la fontaine ». Si ce n’est pas de la fainéantise ça ! Il n’avait qu’à tendre les mains !! Et Baudelaire l’incestueux :
« Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble ! »
Excusez-moi mais quand même !
Et parfois les poètes sont méchants, mauvais comme la teigne. Le petit Rimbaud et sa gueule d’ange, à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession, il pouvait être odieux !
« Ô mes petites amoureuses,
Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses
Vos tétons laids ! »
Et plus loin :
« Fade amas d’étoiles ratées, comblez les coins. »
C’est gentil ça peut-être ? C’est gentil ? Non c’est pas gentil !
Le pire, c’est qu’ils le savent eux-mêmes que c’est du n’importe quoi sans queue ni tête. Mallarmé qualifiait quand même la poésie d’aboli bibelot d’inanité sonore, Baudelaire, encore lui, mettait même en garde le lecteur potentiel :
« Lecteur paisible et bucolique
Sobre et naïf, homme de bien,
Jette ce livre saturnien
Orgiaque et mélancolique »
Mais rien n’y fait ! Comme tous les ans, c’est le "printemps des poètes". Je ne sais pas ce que pensent les gens pour continuer à fêter ce… je ne sais pas.
Et alors cette année, pompon des pompons. A l’honneur on met un certain Max Jacob qui n’était pas bien franc du collier. Voici quelques extraits :
« Oui ! j’ai rencontré le Centaure ! c’était sur une route de Bretagne : les arbres ronds étaient disséminés sur les talus. Il est couleur café au lait ; il a les yeux concupiscents et sa croupe est plutôt la queue d’un serpent que le corps d’un cheval. J’étais trop défaillant pour lui parler et ma famille nous regardait de loin, plus effrayée que moi. » Est-ce l’alcool ? ou une hallucination quelconque ? Personnellement si quelqu’un dans la rue me tient le même discours, je change de trottoir ou je crie au secours. Il réitère dans un autre : « Tout avait l’air en mosaïque : les animaux marchaient les pattes vers le ciel sauf l’âne dont le ventre blanc portait des mots écrits et qui changeaient. » Voilà voilà voilà…ça se passe de commentaires.
Et lorsqu’il semble avoir les idées plus claires, là il incite à la débauche et à l’adultère :
À quelque mari fidèle
Il ne faudra plus penser.
Je suis amant, j’ai des ailes
Je vous apprends à voler.
Que la muse du mensonge
Apporte au bout de vos doigts
Ce dédain qui n’est qu’un songe
Du berger plus fier qu’un roi.
Faut-il en dire plus ? Vous comprenez maintenant mes réticences à fêter ces poètes, ces êtres qui trompent, mentent, qui se jouent de vous, qui vous donnent des illusions, qui essaient de vous élever au-dessus de vos conditions d’hommes et de femmes, contribuables honnêtes, citoyens électeurs. C’est la poésie peut-être qui augmentera votre pouvoir d’achat ? qui vous sortira du chômage ? Les poètes sont de nouveaux gourous mais on ne se moque pas impunément de la réalité, la chute peut être douloureuse…
Voilà pourquoi mesdames voilà pourquoi messieurs
Je vous dis prenez garde à ces mots pernicieux
Aux vers que vous font boire les poètes habiles
Qui des idées perverses dans leurs sonnets distillent
Ces êtres sans morale, sans fierté, sans logique
Qui sous un faux prétexte de contrainte esthétique
S’amusent à vous plonger dans l’enfer irréel
Qui a écrit ça ? qui a écrit ça ??? des alexandrins ! qui a écrit ça ?! qui a modifié mon discours ??? mais ils sont partout !!!! ils sont partout !!!!!!!!!!