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  • : Au tour de Clo
  • : Décryptage humoristique (ou non) des choses de la vie, délires poétiques, réflexion et bonne humeur.
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10 octobre 2014 5 10 /10 /octobre /2014 16:53

Ma rue est une impasse

Où personne ne passe

Et moi

Moi je passe au travers

Suis asphalte et poussière

Vent qui poudroie

 

Ma rue porte le nom

D'un homme de renom

Et moi

Je renomme ses portes

Rue des chandelles mortes

Lorsque j'ai froid

 

Ma rue est boulevard

Pour autos et motards

Et moi

J'entends vrombir les rêves

De milliers d'heures qui crèvent

Vies aux abois

 

Ma rue est si petite

Que personne ne l'habite

Que moi

Y a pas de numéro

Collé à son grelot

De cloche en bois

 

Ma rue a des trottoirs

Talons, ombres du soir

De joie

Elle prend des airs de fête

De fanfares en goguettes

La nuit tournoie

 

Ma rue est labyrinthe

Et lorsque tu l'empruntes

Sans moi

Tu te perds et divagues

Ma rue est une vague

Où tu te noies

 

Ma rue a deux visages

Extravagant ou sage

Au choix

Ruelle des funambules

Ou des conciliabules

Qui se vouvoient

 

Ma rue a ses badauds

Et derrière les rideaux

On voit

Briller des yeux fiévreux

Qui jouent les amoureux

Du bout des doigts

 

Ma rue a mille adresses

Clapiers et forteresses

Parois

Qui me séparent de vous

Ce sont des garde-fous

Que l'on déploie

 

Ma rue parfois l'hiver

Nourrit les faits divers

Pourquoi

A-t-on laissé ces gens ?

Est-on indifférent

Au désarroi ?

 

Ma rue quand je dérange

S'arrange pour que je change

D'endroit

Lorsque je suis chassé

Et dois me déplacer

Qu'on me renvoie

 

Ma rue m'est familière

Ma lampe est réverbère

Mon toit

Qui caresse la lune

Conte mon infortune

Au ciel narquois

 

Ma rue est une impasse

Où personne ne passe

Et moi

Moi je passe au travers

Suis asphalte et poussière

Vent qui poudroie

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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 10:36

Sur la théière de Tante Huguette,

Une araignée tisse sa toile,

Une mouche explore des miettes

Et la poussière dessine un voile.

 

Une tasse sale est posée

(Ce n'était pas son habitude)

Sur la nappe en coton brodé

Qu'avait donnée Tante Gertrude.

 

Et du sucrier grand ouvert

(Celui en cristal de Bohême)

Dépasse le manche de la cuiller

Qui est gravé à ses emblèmes.

 

Sur la soucoupe à gros motifs

Une tache a formé un coeur.

Ca donne un petit air festif

A côté des galettes au beurre.

 

A l'oeil nu personne ne devine

Que le thé était parfumé

A la ciguë, à la morphine...

Tante Huguette a vite passé.

 

Sous mes larmes de crocodile

Que le notaire croit si sincères,

Je prends une voix si fragile,

Une voix douce de cimetière :

 

"Une chose me ferait plaisir",

J'arrive à peine à chuchoter,

"Garder d'Huguette un souvenir...

Puis-je prendre le service à thé ?"

 

Devant mon air inconsolable,

Le brave homme me fait un clin d'oeil :

"C'est une demande raisonnable

Si ça soulage votre deuil..."

 

Dans un mois ou deux tout au plus,

J'inviterai tante Gertrude,

Pour parler de la disparue

Et alléger nos solitudes.

 

Le passé refera surface

Lorsque nous dirons son prénom.

Le sucrier aura sa place

Sur la table de mon salon.

 

Et si Gertrude a quelques larmes,

Je lui tendrai un fin mouchoir

Aux dentelles blanches et parme

Et aux effluves d'encensoir.

 

Et pour apaiser sa migraine

Je verserai dans la théière

Un mélange digitale verveine

Sucré à la petite cuiller.

 

 

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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 18:30

T'as mis mon prénom dans ta bouche

J'ai pris ta voix dans mes oreilles

Et j'en frissonne jusqu'aux orteils

Jamais plus je n'prendrai de douche

 

J'ai 13 ans 9 mois et 2 jours

C'est le bel âge me dit mon père

L'âge difficile répond ma mère

Moi je suis contre et jamais pour

 

Tu es beau et tu mets du gel

Tes copains disent que tu te rases

C'est vrai que la moustache c'est naze

Moi je mets parfois du rimmel

 

C'est mon premier poème de coeur

Si on compte pas celui pour Tom

Toi c'est pas pareil t'es un homme

Tu portes pas des chemises à fleurs

 

J'aime bien ta façon de manger

Les spaghetti à  la cantine

Comme tu mordilles ton porte-mines

Quand le prof vient te déranger

 

C'est fou ça résonne dans ma tête

Quand t'as dit "Emma, mon stylo"

Il est tombé en cours de bio

Pendant le cours sur les gamètes

 

T'as dit Emma et c'était moi

Pas Emma R, pas Emma P,

T'as même souri quand j'ai posé

Ton bic tout près de ton bras droit

 

T'as un sourire plein de soleil

Moi j'ai un appareil dentaire,

Alors j'souris à ma manière

Je maquille mes lèvres en groseille

 

Quand je te croise dans le couloir

Je marche droit, torse bombé

Je fais bientôt un bonnet B

A la piscine t'as dû le voir

 

Je crois que je regrette vraiment

D'avoir embrassé Timothée

En colo en juillet dernier

J'avais la pression tu comprends ?

 

J'aurais préféré deux cents fois

Que mon premier baiser d'amour,

Ca soit un de mes plus beaux jours,

Ca soit un baiser avec toi

 

Je me dis que si tu embrasses

Comme tu prononces mon prénom

Y'aura des nids de papillons

Partout dans la salle de classe

 

Je sais que je suis romantique

Mon grand frère trouve que je suis cruche

(Mais moi je garde pas de peluche

Sur mon lit pour nuits érotiques)

 

J'espère que toi tu trouves ça beau

Mon courage pour te dire ma flamme

C'est dur de devenir une femme

Et c'est dur de trouver les mots

 

J'ai 13 ans 9 mois et 2 jours

C'est mon premier poème d'amour 

 

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27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 15:58

Un petit comité de rongeurs cinéphiles

Regarda un instant l'écran de cinéma

Puis mourut en poussant un râle d'un nouveau style...

Moralité :

Ils firent la connaissance de l'innovant tue-rats (Lino Ventura)

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27 septembre 2014 6 27 /09 /septembre /2014 13:45

Ce discours a été écrit pour l'inauguration de la 2e édition du Printemps du Conte et de la Poésie de Saint Agathon qui a eu lieu les 21,22 et 23 mars 2014, week-end d'élections municipales. Je portais, comme il se doit pour tout discours poli(poé)tique, une tenue de circonstance, robe sérieuse, veste dynamique et talons hauts, et j'ai lu ce texte d'une voix décidée et convaincante...

 

 

 

Mesdames, mesdemoiselles, messieurs,

En ce week-end chargé où des choix électoraux vont se faire pour que des décisions se prennent, que des caps se maintiennent et des virages s’amorcent, je tenais à vous rappeler quelques notions de bon sens. On fête ce mois-ci la poésie et les poètes, toujours les mêmes mis en avant, ces privilégiés qui n’en foutent pas une. Il me semble essentiel, voire vital, de vous mettre en garde contre ces individus peu recommandables. Ne votez jamais pour des poètes ! Les poètes sont dangereux, incohérents, menteurs et fainéants.

 

Oui je sais je sais, ce n’est pas l’image que les médias vous renvoient, mais qui s’est réellement penché sur les messages distillés par ces écrivailleurs ? qui a étudié leurs propos terroristes, leurs incitations perfides à l’oisiveté onirique ? qui a entrevu le potentiel destructeur pour la société de leurs mots criminels sous des dehors innocents ?

 

J’ai été victime moi-même de la poésie et de certains poètes en particulier. Un exemple frappant illustre leur infamie. Victor Hugo a perturbé mon enfance et toutes mes notions de biologie puisque jusqu’à l’âge de 13 ans, j’ai cru que sa fille était un papillon. Oui mesdames messieurs, un esprit raisonnable comme le mien troublé par ces quatre petits vers appris en CM2, quatre vers dans le poème « ô souvenirs printemps aurore », que je vous livre :

Elle courait dans la rosée,
Sans bruit, de peur de m'éveiller ;
Moi, je n'ouvrais pas ma croisée,
De peur de la faire envoler.


Voilà, j’ai vraiment cru que sa fille était un papillon. Croyez-vous que je vous le dise sans honte ? Et pourtant il est nécessaire de dénoncer les dangers de la lecture de poésie. Je pense à tous ces enfants à qui on fait apprendre des poèmes de Maurice Carême, notamment celui-ci :

Le chat et le soleil

Le chat ouvrit les yeux,

Le soleil y entra.

Le chat ferma les yeux,

Le soleil y resta.

Voilà pourquoi, le soir

Quand le chat se réveille,

J’aperçois dans le noir

Deux morceaux de soleil.

 

Ce Maurice Carême s’est-il seulement dit que certains enfants, curieux et néanmoins armés d’un couteau de cuisine, voudraient récupérer des bouts de soleil dans les yeux de leur chat ? Non bien sûr, alors que maintenant que je vous l’ai dit, vous entrevoyez sans peine le gouffre profond de la noirceur de l’âme des poètes.

 

Et ce n’est pas tout. Les connaissances en astronomie sont bafouées, avec des « Soleils couchants » au pluriel chez Verlaine, les notions d’écologie sont complètement ridiculisées avec des ratons laveurs partout dans l’inventaire de Prévert… Mais ils se droguent ou quoi ces poètes ? En tout cas ils ne sont pas nets.

 

Tout le monde connaît le premier vers de El desdichado, de Gérard de Nerval. « Je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé. » J’ai mené ma petite enquête sur ce de Nerval. Alors d’une part, ce n’est même pas son vrai nom, il s’appelle Gérard Labrunie, tout de suite on se la raconte moins et il n’a jamais été marié, comment a-t-il pu être veuf ?? Les poètes vous mentent !

Et ce n’est pas le seul à avoir eu recours au procédé infâme du pseudonyme, Villon, Lautréamont, Apollinaire, Aragon, Eluard, Mac Orlan et j’en passe ! Si la poésie était un travail honnête, y aurait-il eu besoin de cacher son vrai nom ? Un brave boulanger, un instituteur intègre ne se cachent pas sous des noms d’emprunt. D’ailleurs, ces poètes, ils les empruntent leurs noms mais les rendent-ils seulement ?

 

Alors certains pour les défendre disent qu’ils font rêver ou qu’ils dénoncent, qu’ils donnent des mots à ce qu’on ne peut dire. Mouais… Pas tout le temps apparemment. Prévert : « Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là. » Ah ben ça c’est étonnant, ça dénonce !… Apollinaire : « Sous le pont Mirabeau coule la Seine »… Oh la la attention ! Bon si c’est pour sortir des banalités pareilles… Sous les ponts de Nantes coule la Loire. Moi aussi je peux le faire. Ou alors ils sortent des énormités ! Du Bellay : « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage. » Un beau voyage… Je n’aurais pas aimé partir en vacances avec Joaquim du Bellay… Personnellement le voyage d’Ulysse, sorcières, sirènes, cyclope… 20 ans pour réussir à rentrer chez soi, c’est pas Center Parks…  Un peu à côté de la plaque le Jojo.

Mais il est loin d’être le seul à avoir une vision aussi erronée de la vie, beaucoup trop idéaliste. Guillaume Appolinaire et le chat :
Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre.


Alors là cher Guillaume, je peux te dire que tu te gourres complètement, que le chat qui passe parmi les livres ne fait pas que passer... non... il les fait tomber par terre et se jette dessus ensuite... tu aurais dû préciser dans ton poème : "Un chat passant parmi les livres / Sans les faire tomber". A noter que ce cher Apollinaire a donné bien des torticolis à nos enfances avec ses calligrammes dont on perdait le bout à chaque fois !!

 

On peut de plus rajouter aux vices des poètes la paresse : Villon :  « Je meurs de soif auprès de la fontaine ». Si ce n’est pas de la fainéantise ça ! Il n’avait qu’à tendre les mains !! Et Baudelaire l’incestueux :

« Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble ! » 

Excusez-moi mais quand même !

 

Et parfois les poètes sont méchants, mauvais comme la teigne. Le petit Rimbaud et sa gueule d’ange, à qui on aurait donné le bon Dieu sans confession, il pouvait être odieux !

« Ô mes petites amoureuses,
Que je vous hais !
Plaquez de fouffes douloureuses
Vos tétons laids ! »

Et plus loin :

« Fade amas d’étoiles ratées, comblez les coins. » 

C’est gentil ça peut-être ? C’est gentil ? Non c’est pas gentil !

 

Le pire, c’est qu’ils le savent eux-mêmes que c’est du n’importe quoi sans queue ni tête. Mallarmé qualifiait quand même la poésie d’aboli bibelot d’inanité sonore, Baudelaire, encore lui, mettait même en garde le lecteur potentiel :

« Lecteur paisible et bucolique

Sobre et naïf, homme de bien,

Jette ce livre saturnien

Orgiaque et mélancolique »

 

Mais rien n’y fait ! Comme tous les ans, c’est le "printemps des poètes". Je ne sais pas ce que pensent les gens pour continuer à fêter ce… je ne sais pas.

 

Et alors cette année, pompon des pompons. A l’honneur on met un certain Max Jacob qui n’était pas bien franc du collier. Voici quelques extraits :

 

 «  Oui ! j’ai rencontré le Centaure ! c’était sur une route de Bretagne : les arbres ronds étaient disséminés sur les talus. Il est couleur café au lait ; il a les yeux concupiscents et sa croupe est plutôt la queue d’un serpent que le corps d’un cheval. J’étais trop défaillant pour lui parler et ma famille nous regardait de loin, plus effrayée que moi. » Est-ce l’alcool ? ou une hallucination quelconque ? Personnellement si quelqu’un dans la rue me tient le même discours, je change de trottoir ou je crie au secours. Il réitère dans un  autre : « Tout avait l’air en mosaïque : les animaux marchaient les pattes vers le ciel sauf l’âne dont le ventre blanc portait des mots écrits et qui changeaient. » Voilà voilà voilà…ça se passe de commentaires.

 

Et lorsqu’il semble avoir les idées plus claires, là il incite à la débauche et à l’adultère :

À quelque mari fidèle
Il ne faudra plus penser.
Je suis amant, j’ai des ailes
Je vous apprends à voler.
Que la muse du mensonge
Apporte au bout de vos doigts
Ce dédain qui n’est qu’un songe
Du berger plus fier qu’un roi.


Faut-il en dire plus ? Vous comprenez maintenant mes réticences à fêter ces poètes, ces êtres qui trompent, mentent, qui se jouent de vous, qui vous donnent des illusions, qui essaient de vous élever au-dessus de vos conditions d’hommes et de femmes, contribuables honnêtes, citoyens électeurs. C’est la poésie peut-être qui augmentera votre pouvoir d’achat ? qui vous sortira du chômage ? Les poètes sont de nouveaux gourous mais on ne se moque pas impunément de la réalité, la chute peut être douloureuse…

 

Voilà pourquoi mesdames voilà pourquoi messieurs

Je vous dis prenez garde à ces mots pernicieux

Aux vers que vous font boire les poètes habiles

Qui des idées perverses dans leurs sonnets distillent

Ces êtres sans morale, sans fierté, sans logique

Qui sous un faux prétexte de contrainte esthétique

S’amusent à vous plonger dans l’enfer irréel

 

Qui a écrit ça ? qui a écrit ça ??? des alexandrins ! qui a écrit ça ?! qui a modifié mon discours ??? mais ils sont partout !!!! ils sont partout !!!!!!!!!!

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21 septembre 2014 7 21 /09 /septembre /2014 09:50

je n'étais pas

sa régulière,

je n'étais pas

la légitime,

pas son épouse

pas une mère

pas la jalouse

pas la victime

 

moi je n'étais

que l'autre femme,

celle qui avait

bien malgré elle

allumé cette

petite flamme

dans la cachette

de ses prunelles

 

je ne veux rien

mais sachez-le,

il était bien

auprès de moi :

à son réveil

c'étaient mes yeux

à son oreille

c'était ma voix

 

et sa faiblesse

et sa fatigue

sous mes caresses

disparaissaient…

que dites-vous

de notre intrigue ?

nous jugez-vous

donc si mauvais ?

 

pas de morale

non s'il vous plaît,

pas de scandale,

c'était ainsi

(parfois le conte

est imparfait)

je n'ai pas honte

de notre vie

 

je viens poser

près des couronnes

mon cœur blessé

dans quelques fleurs,

laissez-le là

qu'il s'abandonne

dans les lilas

bleus de mes pleurs

 

nous l’aimions tant,

vous comme moi,

il fut amant

à nos deux lits

sur nos chemins

sous nos deux toits,

mais mon chagrin

est interdit...

 

je vais rentrer...

la maison vide

me parlera

encore de lui

et pour dompter

le soir livide

il restera

nos temps enfuis

 

 

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4 septembre 2014 4 04 /09 /septembre /2014 20:39

Toute utilisation, reproduction ou diffusion des textes de ce blog doit faire l'objet d'une demande à l'auteur.

 

personnage : une directrice RH. Elle a un ton jovial tout le long de la scène, elle peut être assez extravagante et accentuer ses propos par de grands gestes.

 

Ah la la la Rachel !... Comment allez-vous ? Hein ? Ben mal oui forcément... Vous ne vous attendiez pas à la lettre de licenciement ? Quand même après huit mois d'absence, qu'espériez-vous ?... Mais vous venez retenter votre chance chez nous aujourd'hui et j'en suis ravie. Si on peut s'arranger à l'amiable pour un nouveau contrat sans passer par la case prud'hommes...

 

Et sinon, vous avez apprécié le cadeau qu'on vous a fait pendant votre hospitalisation ? Vous l'avez essayé ? On s'est tous cotisés vous savez. On ne savait pas trop quoi vous prendre. Bon c'est un modèle un peu classique mais c'est vrai qu'on n'a pas tous les jours l'occasion d'acheter une perruque...

 

Alors le médecin du travail m'a informée, elle a eu la lettre de votre cancérologue et donc vous venez me voir pour l'aménagement de poste. C'est normal, les ressources humaines sont faites pour ça. Vous avez l'attestation de RQTH faite auprès de la MDPH ? Merci. (lit le document)

 

Bon... je comprends bien euh... votre demande...  mais en ce moment c'est un peu la crise du logement des bras cassés... enfin je veux dire, des personnes en situation de maladie ou de handicap... bien qu'il y ait aussi des bras cassés parfois, notamment au retour des vacances de ski... Comme je vous dis c'est un peu délicat, on a atteint notre quota, on a dépassé nos 5%. Mais si, vous savez bien ! Le texte qui dit que les entreprises d'au moins vingt salariés ont l'obligation d'employer 5 % de handicapés. Et bien nous c'est fait ! (grand sourire) On n'a plus à payer la taxe qu'on payait avant... Avant, quand on sélectionnait que des gens normaux... euh... pas handicapés ou malades, pas euh... enfin des gens euh... en pleine possession de leurs capacités...

 

Et puis là comme c'est un nouveau contrat, ben... Parce qu'on a eu des consignes, "5%, pas plus"... Pas sûr qu'il y ait de la place pour vous reprendre...  Mais je le sais que vous avez travaillé douze ans pour nous, mais ce n'est pas moi qui fais le règlement... Et vous croyez que ça n'a pas été difficile lorsqu'on s'est fait coiffer au poteau sur notre projet phare parce que vous étiez partie sans nous laisser tous les éléments du dossier ? Je comprends bien vos "circonstances atténuantes" mais vous avez manqué de professionnalisme ! Vous avez frôlé la faute grave !... Bref...

 

Je vais essayer de voir quand même ce qu'on pourrait envisager... Temps partiel, salle de repos, etc... Mais vous savez, ça nous coûte cher ces petites affaires ! Et puis la boîte, faut qu'elle tourne aussi, on ne vient pas au travail pour avoir mal ou avancer au ralenti... Il faut que ça... que ça envoie !

 

Alors voyons voir, déjà, par rapport au quota... Je disais donc, le quota... (feuillette un dossier) Qui on a déjà en ce moment en stock ?

 

Alors, Bernard, qui a un diabète, part à la retraite dans deux ans. Il a des problèmes de vue qui s'aggravent avec sa maladie, c'est un peu embêtant pour un informaticien, donc peut-être une retraite anticipée, peut-être une place pour vous... Comment ? Vous voulez voir pour le long terme ? Vous êtes sûre ? Je pense qu'il faut y aller progressivement, on ne donne pas les CDI comme ça, il faut bien que les gens en profitent assez longtemps...  Oh pardon, je vous ai choquée ?... Excusez-moi, dans ressources humaines j'oublie parfois qu'il y a autre chose que les ressources... Mais ça serait plus raisonnable un contrat de 3 mois, renouvelable, si vous ne faites pas de rechute évidemment...  (se replonge dans le dossier)  Bon il y a bien Anne-Marie et sa sclérose en plaques mais depuis qu'elle a changé de traitement elle n'a pas fait de poussée... Elle est marrante Anne-Marie vous ne trouvez pas ? Avec son visage qui tombe et sa canne hein ? Sauf quand elle n'arrive pas à temps aux toilettes, c'est moins drôle... Jean-Michel et sa prostate, Sophie et sa thyroïde... Comment ? Confidentiel ? Ce sont des données confidentielles ? Ecoutez, pour votre perruque on a quand même fait un Doodle pour choisir la couleur alors la confidentialité... nous sommes une grande famille !

 

Alors voyons voir... Les postes des agents d'entretien, est-ce que ce sont les mêmes lignes budgétaires ?... Là aussi on a Colin. Oui il a aussi la reconnaissance travailleur handicapé Colin. Ca ne se voit pas? Non bien sûr c'est psy. Mais moi je l'ai vu une fois essayer d'étrangler sa serpillière et je vous assure que là ça se voyait.

 

Bon je vais en parler en réunion la semaine prochaine. Je vous tiens au courant. Il y a peut-être moyen de faire quelque chose. Je peux presque vous garantir qu'on pourra vous reprendre et que vous ne serez pas mise à la porte. (phrase suivante à part) Au placard peut-être, à la porte je ne pense pas...

 

J'ai un rendez-vous super important pour le renouvellement de la machine à café. Je dois écourter notre entretien mais on en reparle bientôt. (se lève) 

 

Au revoir Rachel. (lui serre la main et la retient) C'est drôle quand même non ? Vous travaillez dans la boîte pharmaceutique qui a créé le traitement qui vous a soignée ! Rachel vraiment, j'espère que vous voyez tout ce que vous devez à notre entreprise... Pensez-y ! Au revoir.

 

 

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29 août 2014 5 29 /08 /août /2014 11:09

Tu m’avais fait une promesse

Sous les cieux jaspés de l’hiver :

Te rendre au petit cimetière

Y saluer ta chère maîtresse.

 

Tes douces lèvres purpurines

Avaient juré mille baisers

Pour la pierre où je suis couchée,

Mille baisers pour l’aubépine…

 

A-t-elle trempé dans le mensonge,

Cette bouche que j’adorais ?

As-tu oublié nos secrets ?

Les regrets et les vers me rongent !

 

Es-tu venu t’asseoir ici,

Près des fleurs en pot qui se fânent ?

Non… Les parfums qui s’en émanent,

Tu ne les as pas même sentis.

 

Tes grands yeux noirs, je les devine,

N’ont plus du deuil que la couleur,

Et tu trahis sur d’autres cœurs

Mes froides lèvres colombines.

 

Et dans les bras des autres femmes,

Contre leur épaule vivante,

En les appelant tes amantes

Tu couds le linceul de mon âme.

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28 août 2014 4 28 /08 /août /2014 22:52

La bouilloire chantait dans la cuisine. L’eau était enfin chaude. Elle se leva, prit un mug, choisit dans la boîte métallique bleue un thé noir, et versa doucement l’eau sur le sachet. Puis elle vint se rasseoir devant l’écran, tenant la tasse à deux mains pour se les réchauffer.

 

Il était quinze heures. L’absence de bruit saturait l’air immobile. Elle avait mis du temps à s’habituer à ce silence, confirmation sans appel de sa solitude à cet instant. Pourtant elle avait souhaité ne jamais s’y habituer, ne pas avoir le temps de s’y accoutumer, voire d’y prendre goût. Le goût de l’ennui, ou plutôt de l’inaction.

 

Six mois c’est long. C’était trop long pour elle. Elle n’aurait jamais cru qu’elle resterait plus de trois mois dans cette situation, et là, déjà le double… Sur l’écran de l’ordinateur qu’elle allumait dès le réveil, des poissons exotiques passaient et repassaient dans un bruit d’aquarium. Elle remua légèrement la souris sur le tapis, les poissons disparurent pour laisser place au texte d’un email qu’elle devait rédiger. Elle n’y arrivait pas, pas ce jour-là. Forcément, comme on dit, il y a des jours avec et des jours sans, mais ces derniers commençaient à être de plus en plus nombreux. Son cerveau, sa volonté, son dynamisme semblaient engloutis dans une sorte de marécage de coton épais. Difficile de s’en extirper et tellement tentant parfois de s’y laisser tout simplement enfoncer.

 

Elle trempa les lèvres dans le breuvage brûlant et réussit à avaler une petite gorgée. En s’adossant au siège, elle sourit, comme ça, d’un sourire destiné à personne, à elle-même. Cela lui fit du bien de sentir ses lèvres s’élargir et ses joues remonter, un peu chaudes sous les vapeurs de la tasse. Etrangement, elle souriait car elle avait peur, la peur classique du lendemain. La crainte que les jours à venir soient pareils à ce jour, et la crainte qu’ils soient différents. Tout en elle décidément était contradictoire.

 

Une fois par semaine, parfois deux quand c’était nécessaire, elle sortait faire les courses. Souvent elle y allait en fin de matinée ou sur l’heure de midi. Elle évitait les heures où il n’y avait personne. Elle voulait voir du monde, mais rester anonyme, qu’on ne lui dise rien surtout. Une fois elle y était allée en plein milieu d’après-midi, l’hôtesse de caisse lui avait demandé si elle était en vacances. Elle avait alors senti le feu lui monter aux joues et s’était entendue répondre d’une voix effacée : « Non, mais je ne travaille pas aujourd’hui. » L’adverbe sauvait les apparences. Ce n’était pas un mensonge, elle laissait juste planer le doute.

 

Quand elle arpentait les rayons, elle croisait surtout des personnes âgées et de jeunes mères de famille poussant un landau et traînant parfois les aînés au bout d’un bras fatigué. « Un milieu féminin », pensait-elle. Les vieux, les femmes et les enfants d’abord, dans les rayons du supermarché. Les vieux, les femmes, les enfants, et les chômeurs.

 

Cette vie lui avait appris à se taire, à en dire moins. Faute d’interlocuteur au début, puis peu à peu, l’habitude de ne plus parler, d’écouter seulement, le silence ou la radio dont elle aimait le bourdonnement bienveillant. Elle autrefois plutôt bavarde peinait à trouver des sujets de conversation, se refermait un peu sur elle-même mais n’en souffrait pas vraiment. Elle s’effaçait tout doucement du monde que l’on dit actif, elle devenait une ombre mais aimait la lumière. « Ce n’est que provisoire » se répétait-elle en boucle.

 

Souvent elle se laissait entraîner par ses pensées, ses rêveries. Elle avait établi « la théorie du paradoxe du temps disponible ». Elle en avait parlé à quelques personnes. Celles qui n’avaient jamais été au chômage ne semblaient pas bien saisir. Quand elle travaillait, elle faisait plein de choses, en plus de son travail. Son esprit était sans cesse en ébullition. Maintenant la recherche d'emploi lui laissait de nombreux temps morts dans sa journée, et pourtant elle ne parvenait pas à remplir ce vide. Moins elle avait de temps, plus elle faisait de choses, plus elle avait de temps, moins elle l’occupait. Le paradoxe du temps disponible.

 

Néanmoins elle était loin de ne rien faire, elle ne passait pas ses journées en peignoir devant l’écran d’une télévision abrutissante (vision dégradante que certains veulent donner de ceux qui ne travaillent plus). Cette semaine elle avait juste regardé une émission sur l’intolérance au gluten. Elle faisait le repas du soir et du lendemain, s’attelait au repassage, finissait de laver la vaisselle… Mais quand elle travaillait, elle faisait la même chose... Alors que se passait-il ? Y avait-il une distorsion de l'espace-temps dans les journées du chômeur ? Les heures où on est seul passent-elles plus vite que celles qu'on partage avec d'autres humains ? Ou est-ce un effet secondaire de l’ennui ?

 

Elle répondait à des offres d’emploi, mais aucune ne lui plaisait vraiment. Elle jouait le jeu et s’efforçait d’oublier la bêtise des lettres de motivation et des entretiens d'embauche. Un entretien d'embauche réussi montre juste que vous êtes bon aux entretiens d'embauche. Or il n’y a aucun intitulé de poste ainsi formulé : « vous serez chargé de passer des entretiens d'embauche ». Certes il faut bien que les recruteurs puissent choisir… mais on ne la choisissait pas.

 

Elle aurait voulu se sentir utile, servir à quelque chose. Le temps qui passait, elle avait le sentiment de le perdre. Et plus les jours filaient, plus elle dérivait. Quel livre, quel ami, quelle activité pour la ramener à la berge ? Peu à peu elle n’avait plus envie. L’ennui n’était plus vraiment de l’ennui, il était devenu quotidien. Elle s’amusait de peu, dormait beaucoup, toujours dans cette angoisse que le lendemain soit pareil, ou différent.

 

Ce jour-là, elle avait laissé le thé refroidir près de l’ordinateur et avait réussi à sortir pour une promenade. Le ciel était bleu, le vent un peu froid, mais elle avait besoin de prendre l’air. Après une heure d’absence, à son retour, elle vit derrière les poissons jaunes et bleus de l’écran une réponse à un de ses entretiens. Elle commençait lundi en huit. Un CDD de trois ans. Son visage resta immobile. C’était la fin. C’était le début. Une seule question l’assaillait : qu’avait-elle fait de tout ce temps libre ?

 
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6 août 2014 3 06 /08 /août /2014 07:50

curieux paquet cadeau

au papier un peu moche

qu'il tient sous le manteau

 

un joujou tout nouveau 

moins que ton argent d'poche

non c'est pas un vélo

 

sous l'imper délavé

il protège de la pluie

le carton emballé

 

c'est pas le jeu rêvé

pas non plus le circuit

que t'avais réclamé

 

c'est ton anniversaire

c'est pas celui d'ton père

ton père qui a plus l'permis

qui fait de l'auto-stop

cette fin d'après-midi

il est bien philanthrope

 

son pouce qui dépasse

son regard plein d'espoir

vers les voitures qui passent

 

silhouette un peu lasse

qui se fond dans le soir

attendant une place

 

un vieux tacot s'arrête

à hauteur du bonhomme

il jette sa cigarette

 

une seconde on s'inquiète

si c'était un magnum

caché sous sa jaquette ?

 

c'est ton anniversaire

c'est pas celui d'ton père

ton père sans parapluie

tu vois bien qu'il écope

parce qu'il t'avait promis

d'fêter ton horoscope 

 

au chauffeur il expose

qu'après le prochain bourg

il souhaite qu'on le dépose

 

et enfin il repose

ses gros doigts un peu gourds

ses pieds qui s'ankylosent

 

sur la banquette arrière

posée tout à côté

et près de la portière

 

la boîte singulière

au papier tout froissé

au motif bayadère

 

c'est ton anniversaire

c'est pas celui d'ton père

ton père qui avait envie

malgré ses psychotropes

à son gamin chéri 

d'offrir un télescope

 

et le chauffeur écoute

la voix du voyageur

qui lui confie ses doutes

 

il avoue qu'il redoute

même qu'il a un peu peur

de n' pas trouver ta route

 

il t'a jamais appris

à regarder ce ciel

qu'on admire ou qu'on prie

 

ce temps il te l'a pris

à user ses semelles

sans t'y faire un abri

 

c'est ton anniversaire

c'est pas celui d'ton père

ton père qui chaque nuit

au balcon de sa clope

s'enivre d'infini

et d'étoiles qui galopent

 

"c'est beau d'avoir dix ans

c'est grand comme une fête

au début du printemps"

 

dit-il en arrivant

il est un peu poète

bien plus qu'il n'est parent

 

à l'huis le vent s'emporte

ce n'est qu'un courant d'air

mais tu sais qui l'escorte

 

tu lui ouvres la porte

et allumes la lumière

car sa chandelle est morte

 

c'est ton anniversaire

c'est pas celui d'ton père

qui te tend un cadeau

d'où s'échappe une enveloppe

il n'ose dire un mot

et tremble de faire un flop

 

deux trois lignes tracées

d'une encre un peu tremblante

te souhaitent une bonne année

 

tu déchires le papier

de tes mains impatientes

et découvres étonné

 

une lunette stellaire

que tu connais déjà

car ton père t'a offert

 

la même l'année dernière

emballée comme ça

pour ton anniversaire

 

c'est ton anniversaire

c'est pas celui d'ton père

qui repart sans un bruit

tu as deux télescopes

pour mieux chercher sa nuit

et le rêve qui l'enveloppe

 

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