La dernière nouveauté au théâtre à vingt heures :
Une pièce étonnante portant un nom joli
Où une chaussure de sport chante "C'est quand le bonheur ?"
Venez à la première de L'Adidas Cali !
La dernière nouveauté au théâtre à vingt heures :
Une pièce étonnante portant un nom joli
Où une chaussure de sport chante "C'est quand le bonheur ?"
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Le sable est sous mes pieds
Le vent est dans ma tête
Accrochées aux rochers
Les vagues se répètent
Se retirent et reviennent lécher la plage triste
Et l’écume en dentelle fait le tour de la piste
Des labyrinthes courent
Tracés par les marées
Le monde devient sourd
A mes pas esseulés
La mer...
La mer est toujours là, me console du temps
Qui passe entre mes doigts où dansent les absents
Le sable est sous mes pieds
Le vent est dans ma tête
Et je l'entends crier
Dans le ballet des mouettes
Je l'entends qui m'enivre à souffler ses colères
Quand j'ai la peur de vivre qui m'arrache à la terre
le chien de la veuve
lui chauffe les pieds
lui lèche les mains
et souffle à son oreille
il dort sur ses chaussons
ou parfois dans le lit
il ne sent pas très bon
et alors ? peu importe
c'est chaud ça fait du bien
c'est comme un souvenir
quand il bouge parfois
sa présence rassure
dans son demi-sommeil
elle se prend à rêver
que son homme la berce
comme aux premières nuits
des poils un museau des traces de pattes partout
quatre kilos tout mouillé
c'est pas grand chose en soi
mais s'il n'était pas là
si elle ne l'avait pas
qui lui dirait encore
que le jour n'est pas mort ?
que le soleil se lève
et que les oiseaux narguent les framboises au jardin ?
qu'il faut ouvrir la porte et le laisser sortir
et laisser rentrer l'air qui chasse les fantômes ?
le chien de la veuve
aboie sur les volutes vespérales
et saute sur les genoux quand viennent les enfants
il renifle parfois l'oreiller de son maître et pousse un petit cri
sent-il son absence ? l'appelle-t-il la nuit ?
il sait que c'est ainsi
qu'on ne peut rien y faire
mais que l'eau est fraîche dans le bol
et les balades douces
il sait qu'il faut chasser les mouches
piétiner devant l'écran de la télé allumée
et japper joyeusement quand sonne la grosse horloge
le chien de la veuve
vieillit à petits pas
s'oublie sur le tapis
se cogne contre les meubles
et il ne mange plus le jambon sous la table
et moi qui sais tout ça
moi qui les connais bien
je remplis la mort dans l'âme la seringue rose
"je ne veux pas qu'il souffre" me dit-elle doucement
en caressant le corps amaigri
au poil sali et terne
en jetant un pauvre sourire
sur l'oeil qui s'ouvre à peine
tout se fait en silence et c'est déjà fini
"je le mettrai en terre au pied du grand pommier
à l'automne, les fruits tombés seront comme des balles que lui lancera le vent...
et après, moi..."
chez elle maintenant l'horloge et le silence
Ici c'est sec et c'est ça que j'aime.
Là où je vis, il y a tellement de pluie que j'en chavire des trombes d'eau, que je me noie de délavé.
Liquéfiée en eau douce.
Ici c'est sec. L'eau est précieuse comme une goutte sur un fil.
Equilibre précaire.
Magie de cet équilibre.
L'eau contre la poussière.
La poussière qui se soulève du sol et l'eau qui éventre le ciel.
La paille couchée sur la terre rouge agglomérée en caillots friables.
Et avant que les hommes ne forment les paysages, les paysages forment les hommes.
Murets de pierre sèche.
Ramasse les caroubes,
Mets dans les sacs de jute,
Ramasse les amandes dans les paniers souples tressés d'osier,
Cueille la figue et l'arbouse pour en faire l'eau de vie,
Irrigue l'oranger avec l'eau de la noria pour que le jus coule sur les mains et dans la gorge,
Choisis le fenouil et le romarin sauvage sur le bord des chemins,
Roule le fruit du figuier de barbarie pour enlever les piquants,
Sur les toits plats de brique rouge, fais sécher la récolte,
Décolle l'écorce du chêne liège,
Frotte la fleur jaune de l'immortelle.
L'air chaud suinte l'huile d'olive.
Les chapeaux de paille se baissent.
Les anciens faisaient cela et je le fais moi aussi.
Ici les collines empierrées.
Plus loin les bords de mer,
Les pêcheurs aux filets aléatoires,
Et les marins dont on attend le retour.
Ici rien n'arrive sans effort.
Les paysages forment les hommes.
S'ils savaient parler, mes orteils,
Ils glisseraient à mon oreille :
"Plus de chaussures, plus de chaussettes !
Nous on préfère les pâquerettes."
Et dans les champs de pissenlits
Ou assise dans les herbes folles,
Sur les draps soyeux de ce lit
Fait de pétales et de pétioles,
J'écoute la chanson pathétique
De mes doigts de pieds qui m'expliquent :
"Nous ne voulons plus la contrainte
Du plastique ou d'un cuir trop dur.
Sois attentive à notre plainte
Ou on te fait des contractures..."
Alors parmi les pissenlits
Les bras au ciel, tendant le cou,
Libérée de la panoplie
Des lacets, des semelles, des trous,
J'me dis que mes orteils sont chic
De me faire sentir bucolique.
'Nous on n'aime pas être serrés
Dans des escarpins tout pointus !
Ça sert à quoi d'être enfermés ?
Nous on préfère aller tout nus !"
A l'aise dans les pissenlits,
Les brins de pelouse chatouillent
Jusqu'à mes talons mes envies
De partir d'un coup en vadrouille.
J'crois même que je vole, c'est magique !
Mais v'là mes orteils qui rappliquent :
"Nous on t'emmène où tu le veux,
Suffit de nous dire qui te porte !
Si c'est du vent dans tes cheveux,
On lui demande de faire escorte."
Alors foulant les pissenlits,
J'm'en vais faire un bout de chemin
Sur mes orteils, mais ça m'ennuie
De le dire... Moi je voudrais bien
Que mes bras déploient, élastiques,
De grandes plumes ergonomiques.
Tant qu'à pas avoir de chaussures,
Autant ne plus toucher le sol !
Mes orteils mènent une dictature
Où la pesanteur me désole.
Je veux quitter les pissenlits,
Y'a des nuages bien plus sympas,
Des bouts de ciel bien plus jolis...
Pourquoi faut-il que j'reste en bas ?!?
Ce à quoi ma mère me réplique :
"Mets tes souliers, l'herbe ça pique."
Je fais la tête à mes orteils,
J'les ai remis dans leurs chaussettes.
On n'met pas des idées pareilles
Dans le crâne des enfants poètes !
Mais quand je vois des pissenlits,
J'ai toujours envie de voler.
Je trouverai bien dans la vie
D'autres moyens de décoller !
Y'a des voyages en onirique
Qui bravent les lois de la physique...
J'prendrai mes orteils à mon cou
Avec des oiseaux de passage,
Et le vent pris dans mes genoux
Me f’ra danser sur les nuages.
Ce texte a été écrit lors d'un atelier d'écriture. Il s'agissait de choisir une photographie parmi une soixantaine d'images et d'écrire ce qu'elle nous inspirait.
Je suis un être étrange, sur les épaules d'un autre moi-même. Le miroir ne me montre que la partie vide qui flotte dans mes vêtements, partie exsangue et sans reflet. Le miroir n'est là que pour me dire mon non-reflet. Ce n'est plus moi de l'autre côté.
Je suis un être oublié, perdu ailleurs sur le sommet du monde.
Bien mis, la chemise propre, le pantalon sans faux pli, les chaussures bien cirées. Rien à dire. Voilà. C'est ça. Rien à dire. Absolument rien.
Ce manteau, qui est le mien et qui ne m'habille pas, a deux grandes poches, largement ouvertes. Je pourrais y mettre mes mains, qui ne sont pas mes mains, mais celles d'un autre être qui pourrait être moi.
J'avance dans la neige. Comme je n'existe pas, je ne sens ni le froid qui glace mes habits, ni l'asphalte lisse qui entraînerait ma chute. N'existant pas, je n'ai pas peur de tomber. Je ne crains ni le froid, ni la chute.
Je suis en dehors de moi. Je n'habite pas ce corps que le miroir peine à refléter, mais celui du dessus, celui qui se tient sur ses épaules.
Que voient les autres ? Qui suis-je pour eux ? L'enveloppe du vêtement aux grandes poches où je ne glisse pas mes mains que je ne reconnais pas comme miennes ? Ou voient-ils cet autre, posé sur ses épaules, assis autour de son cou ?
Je suis sur ma tête. Je suis dans ma tête. Ce monde autour, où il neige, est un monde de reflets sans miroir.
Et moi je suis un être sans corps. Un être sans tête. Mais bien mis, la chemise bien boutonnée, le nœud de cravate soigneusement serré autour de mon cou, tandis que mes jambes pendent des deux côtés du cou de mon autre moi-même. Oui, la cravate nouée parfaitement. Rien à dire. Rien.
.
Oui Monsieur le Juge,
J'ai cassé la statue !
J'ai fait du grabuge,
Je ne le ferai plus.
Mais j'suis pas coupable !
J'ai une explication
Tout à fait valable
Qui vaut expiation.
Quand on vous agresse,
Faut bien faire quelque chose.
Y en a qui encaissent,
Moi je défends ma cause.
Devant la vitrine,
J'ai senti comme un truc,
Là, dans la poitrine
Et jusque dans la nuque.
Ça m'a pris au cœur,
J'en ai presque eu des larmes !
J'étais en sueur...
Alors malgré l'alarme,
Mon cerveau s'emballe,
Et un plan se dessine.
D'un élan bestial,
Là, je casse la vitrine,
Je prends la sculpture,
Et puis je la renverse,
Je vois une fissure,
Les morceaux se dispersent...
Il y en a partout !
Oh ! c'est un vrai carnage !
Je suis à genoux
Et complètement en nage.
Je m'entends crier :
"A bas les œuvres d'art !"
J'ai le poing levé
Et le visage hagard.
Tous les visiteurs
Ont la mine déconfite,
L'œil réprobateur :
Ca leur gâche la visite.
Un gardien arrive,
Me dit de me lever,
Puis il m'invective,
Déclare que j'suis cinglée.
Moi je comprends pas !
C'est bien moi la victime !
J'ai fait des dégâts
Mais c'était légitime !
L'art c'est dangereux :
C'était d'l'auto-défense !
Quand la statue veut
Entrer dans ta conscience,
Te faire réfléchir,
Donner du sentiment,
J'connais rien de pire
Comme crime et châtiment.
Ça peut ébranler
Les plus dures convictions,
Ça peut faire chialer
Et s'poser des questions.
On a vu parfois
Des tableaux de madone
Réveiller la foi
(Ou la testostérone).
Parc'que, faut pas croire,
C'est pas juste un objet.
C'est presque un miroir,
Et j'aime pas mon reflet.
L’œuvre me regarde,
J'y vois l'âme de l'artiste,
Parfois très bavarde
Et parfois très triste.
Elle lit mieux en moi
Que je ne lis en elle,
Et je suis sa proie,
L'immobile immortelle.
L’œuvre m'interroge,
Je ne sais quoi répondre :
En moi elle se loge
Jusqu'à c'que je m'effondre.
Les dessins, statues,
Les peintures et photos,
Les saints et les nus
Type Venus de Milo,
On voit le talent !
Y en a que ça stimule
Pour en faire autant.
Mais moi, je me sens nulle !
Ça donne des complexes !
En plus de perturber
Le fond du cortex !
Vous voyez le danger ??
La preuve que c'est vrai,
On les tient enfermés,
Même les plus mauvais,
Cloîtrés dans les musées,
Pour pas faire de mal
Aux gens les plus fragiles !
Y a pas de Chagall
Sur les murs des asiles,
Pas de Picasso
Accroché chez mon psy,
Pas de Botero
Quand t'as de l'anorexie !
Y'a des fous qui veulent
Mettre l'art dans la rue.
Moi suis pas bégueule,
Mais là ça ne va plus !
Vous imaginez ?
Si tous les gens se mettent
A sentir, penser,
Mais ça va pas la tête !!
Non Monsieur le Juge,
Faut pas me condamner.
J'vais trouver refuge
Dans un poste de télé.
Je serai bien sage...
Promis, je n'irai plus
Dans les vernissages,
Surtout quand j'aurai bu.
On nous dit "c'est la guerre !"... mais nous n'avons pas d'arme...
L'eau brillant dans nos yeux n'est pas haine, mais larme,
Nos bras faits pour l'étreinte ballottent de stupeur.
On nous dit "c'est la guerre !", moi je dis "c'est la leur".
Notre ciel est immense, et nous pouvons danser,
Et nous pouvons sortir dans nos rues éclairées.
Et pas de couvre-feu, pas de bombardements,
Pas de villes décimées, de massacres d'enfants.
On nous dit "c'est la guerre !"... mais la guerre est ailleurs,
Chez ces milliers de gens qui tombent crient et meurent.
La guerre c'est autre chose : trembler à chaque pas,
Avoir faim, avoir peur de l'ombre des soldats,
C'est enjamber des corps tous les jours et partout
Dans des rues de silence aux murs percés de trous,
C'est le cœur qui se serre, c'est le ventre noué,
C'est l’œil déjà éteint de la bête traquée,
Et s'endormir à peine de sa vie en suspens,
Ne plus savoir rêver que de songes de sang.
De ces nuits sans sommeil, s'éveiller sans espoir.
C'est oublier la vie et perdre la mémoire.
La photo d'un foyer là où fume une ruine.
Une voix disparue dans l'écho de la bruine.
C'est l'angoisse à chaque heure. Et des familles brisées.
C'est l'ami qu'on attend. L'absence d'un baiser.
Nous pleurons aujourd'hui des victimes innocentes,
Et nous n'oublierons pas la plaie laissée béante.
Nous devons les nommer, nous devons dire leur nombre
(Mais ceux qui meurent là-bas ? Ne sont-ils que des ombres ?).
On nous dit "c'est la guerre puisqu'il nous faut combattre !".
Oui, une guerre contre eux, ceux que l'on doit abattre,
Cette poignée de fous voulant notre colère,
Désirant qu'elle grandisse contre une part de nos frères.
L'ennemi plein de haine nous invite à sa table,
Éveille notre courroux de ses feux redoutables.
Il veut nous faire entrer dans son triste combat...
Mais je dis poings serrés : je ne me battrai pas.
Je veux rester debout, et libre, et dire la vie.
Je ne me battrai pas, pas avec un fusil.
Les mots sont des grenades qu'il faut dégoupiller
Dans les mains de tous ceux qui pourraient vaciller.
Dans ce monde où souvent la paix se terre et tremble,
Apprendre à se parler et à revivre ensemble,
Défaire les murs si hauts qu'on a laissé dresser,
Chanter d'une même voix, même si elle est blessée.
Contre la nuit trop noire, il faut de la lumière,
Il faut construire des ponts que le savoir éclaire,
Et si les mots sont vains, alors je serai vaine,
Mais je ne vendrai pas ma conscience à la haine.
Ce texte a été écrit lors d'un atelier d'écriture. Il s'agissait de choisir une photographie parmi une soixantaine d'images et d'écrire ce qu'elle nous inspirait.
Les branches ploient sous les oiseaux qui tombent. Ils tombent comme les pages des livres qu'on n'a pas lus. Ils tombent à l'automne et changent de couleur. Les corbeaux grisonnent, leurs plumes se déploient sur les trottoirs où pleuvent les ronces. Le moineau rougit, la pie se pare de reflets dorés. Leurs yeux grands ouverts appellent l'écho du vent.
Les feuilles quittent leur nid, la grande migration a commencé. Les feuilles tournoient dans le ciel blanc délavé. Elles se mêlent aux oiseaux qu'on voit tomber des branches. Elles partent en colonies, en arabesques douces, en ballets incessants.
Derrière les dentelles des ourlets des rideaux, derrière la fenêtre qui s'embue de paresse,
Les oiseaux tombent
Les feuilles partent
Le ciel est blanc
L'automne est là