Souvent on attribue le courage et l'audace
Aux animaux pour qui c'est au fond bien facile :
Le lion et sa mâchoire sont taillés pour la chasse.
Honorons à la place escargots et limaces,
Valeureux toujours prêts à baver les périls.
Souvent on attribue le courage et l'audace
Aux animaux pour qui c'est au fond bien facile :
Le lion et sa mâchoire sont taillés pour la chasse.
Honorons à la place escargots et limaces,
Valeureux toujours prêts à baver les périls.
Buste courbé, genoux pliés, main affaiblie,
Échouée contre un arbre, soudain elle a pâli.
C'était l'hiver, et dans ma rue j'ai rencontré
Cette voisine que je n'avais jamais croisée.
Lorsque j’ai proposé que vienne une ambulance,
Elle m’a dit "Non" pour se garder une contenance.
"Je vais rentrer, a-t-elle lâché se détournant.
- Mais avez-vous au moins quelqu'un qui vous attend ?"
Et son cœur s'est ouvert l'instant d'une parole
Figée dans l'air glacé qui mord et déboussole.
Elle m'a dit "Non... hélas", d'une voix démunie.
Elle m'a dit "Non... hélas", et, lasse, est repartie.
Hélas… hélas…
Ce n'est qu'un petit mot qui ne prend pas de place,
Un mot qui dit "Tant pis" sans se voiler la face,
Un mot qui se démène dans le poids d'une larme,
Qui balaie les questions et parfois rend les armes.
Deux syllabes perdues au détour d'un murmure,
Fatigue d’un sourire se heurtant à un mur,
Un regret qui s'efface, un souffle à peine audible
Qui se moque au final d'avoir atteint sa cible.
Un mot ouvrant un monde aux mystères familiers :
Le porte-parapluies au bas de l’escalier,
De chaudes charentaises, quelques cartes postales,
Le parquet bien ciré, l’orchidée sans pétales.
Mais l’absent de la chaise, mais l’oreiller glacé,
La mémoire d’une épaule où se penche un baiser.
Un mot tout habité des rires qu’il a connus
Où flotte la voix grave de l'aimé disparu.
Univers englouti et méandres du temps,
Le cœur percé de gris aux faibles battements.
Dans des cahiers d'hier, un rideau de chagrin :
Les soupirs vont rivières sur les peaux parchemin.
Cahin-caha j'ai vu sa frêle silhouette
S'éloigner dans le soir, partir à l'aveuglette
Dans la rue silencieuse, vers la porte fermée,
Loin de ce mot qu’elle avait laissé échapper.
Je ne l'ai pas revue, mais dès lors que j'entends
Prononcer ce mot-là, je songe à cet instant.
Et je crois, tandis que mes lèvres se resserrent,
Esquisser quelques pas dans le cœur de l'hiver.
Oh vraiment ! C'est un calvaire !
Pourquoi avoir mis ces pompes ?!?
C'est mon pied que l'on enterre !
Pitié que le mal s'estompe !
Dans le convoi funéraire,
Faut-il que je m'interrompe
Pour libérer _ la galère ! _
Mes petons hors de ces pompes ?
Au pied de l'ancien calvaire
Dont l'ombre hostile nous trompe,
Le cortège du grand-père,
Faudrait-il que je le rompe ?
J'ai beau jouer des haltères,
Chaque matin fair' des pompes,
Tout hagard et sans repère,
Les pomp' funèbres me pompent...
Devant le vieux cimetière
Me voilà en grande pompe,
Les pieds nus, orteils offerts...
Suis à côté de mes pompes...
Que le malin me corrompe,
Car tout ça me pompe l'air !
Les chasseurs ont parfois la funeste habitude
De confondre tissus et réelles peaux de bêtes,
Ce qui, chez le flâneur, suscite l'inquiétude.
En Asie du Sud-Est, c'est une peur obsolète :
On n'y mélange plus torchons et cerfs viets.
Afin de digérer, quel que soit le repas,
Qu'il soit fameux ou non, qu'il soit léger ou gras,
Voici ce que prescrit toute bonn' cuisinière :
À l'oreille de l'hôtesse qui a conçu les plats,
Glisser deux ou trois compliments alimentaires !
à l'issue d'un atelier d'écriture, toujours autour des poèmes d'Anjela Duval...
Au seuil de ma maison,
Je laisse mes regards traverser le silence.
Ici est mon refuge, mon antre,
Le ventre de plaines et de collines qui m'a portée,
Le sein de rivières qui m'a nourrie.
Je viens de cette terre,
Et les arbres,
Et les pierres apaisées dans les murs endormis de ma maison
Sont mes amis muets.
Dans les sentiers humides où poussent les ronces,
J'en ai glanées d'autres, des pierres,
semblables à celles de ma demeure.
Je les ai cueillies et posées dans mon tablier,
Pour en faire, dans un endroit caché,
Un monticule précieux,
Un trésor pour moi seule,
Une fortune futile peut-être, mais profonde et enracinée.
Ces pierres m'offrent une autre façon d'écrire :
Sans mots, elles remplissent mes mains de sens.
À ceux qui pensent que les pauvres gens doivent se taire,
Faire silence comme les murs de ma maison,
À ceux qui croient qu'ils ne sont que des ombres,
Je leur dis que
Quelque part,
Et ailleurs encore,
Des enfants font provision de pierres
Qui pousseront dans les champs de leur langue
Et de leurs paroles de révolte.
(ou comment j'imagine l'enfance de la petite Anjela Duval, poétesse trégorroise)
Petites mains et longue jupe,
Sur les sentiers de cailloux blancs,
Sa silhouette dodeline.
Petite pluie, danse du vent.
Frêle arrosoir et graines tendres,
Ses mains se recouvrent de terre
Et s'enracinent dans le sol.
Frêle sillon, douce jachère.
L'enfant jardin sème son monde,
S'en va rêver sur les sommets.
Sur la colline aux herbes hautes,
L'enfant se construit des secrets.
Sa langue est riante et joyeuse
Semblable à celle des oiseaux.
Elle nomme les fleurs et les arbres,
Sa langue en flûte de roseau.
Muret moussu, tranquille et sage,
Pour s'asseoir et se reposer,
Y délasser ses pieds, fourbue.
Muret fidèle, soupir léger.
Ses yeux plissés sous le soleil
Se cachent sous le vert feuillage
Parcouru d’un frisson d’été,
Ses yeux aux reflets de bocage.
Les heures se mêlent aux labours,
Une comptine l'accompagne
Et dans ses poches se reposent
Les heures qui battent la campagne
Au loin, un clocher se réveille,
Un grand chien noir lèche ses jambes.
Elle prend le chemin du retour,
Au loin, voit le ponant qui flambe.
L’heure est venue hélas, et je ne peux plus fuir.
Mes vers tirés du nez, il me faut te les dire,
Pas par quatre chemins mais de trente-six manières,
En un mot comme en cent, je ne peux plus me taire.
En tentant d’éviter tous les pesants poncifs,
Comme en son temps Rostand, la tirade des pifs,
Je vais te déclamer ce que j’ai sur le cœur :
« Chéri, tu sens des pieds, et je hais cette odeur. »
Te l’annoncer ainsi sans aucun artifice
Causerait, c’est certain, d’ignobles cicatrices
Sur ton ego podal autant qu’odorifère,
Aussi voici plusieurs procédés pour le faire…
Étonné : « Je n’aurais jamais cru qu’un orteil
Puisse au petit matin remplacer le réveil,
Et que sa délicate et douce exhalaison
Me pousse hors de la couette et loin de tes chaussons. »
Pratique : « À vrai dire ce fumet me console,
Il est pour la voiture le meilleur antivol. »
Ennuyé : « Notre chien est fiévreux, je m’inquiète…
Aurait-il (quel malheur !) reniflé ta chaussette ? »
Attendri : « Il me vient une réminiscence
De la potée d’antan de ma tante Constance
Qui laissait le chou aigre trop longtemps mariner. »
Gastronome : « Un Munster serait moins affiné ! »
Médical : « On a vu quelques cas contagieux :
Ce linge de toilette n’est que pour mes cheveux ! »
Admiratif : « Cent sconses n’empestent pas autant ! »
Amoureux : « Près de toi tout ce que je ressens… »
Naïf : « Rappelle-moi quand viendra le plombier ?
Il devient très urgent de déboucher l’évier. »
Redondant : « Ça cocott’, ça pue, ça fouet’, ça chlingue ! »
Excédé : « Non vraiment, c’est à devenir dingue ! »
Informatif : « Sais-tu que dans certains pays
On ampute les gens qui embaument ainsi ? »
Aveuglé : « Je devine à cent pas ta présence :
Ton parfum te précède et signe ton essence. »
Résigné : « De tout temps en amour l’humain souffre,
Pour des questions de fric ou des odeurs de soufre… »
Voilà mon cher amour ce que je pourrais dire,
Si un jour tu venais à ne plus me sentir.
"Oh malheur ! Tous ces gosses ! Qu'ils sont maigres et chétifs !"
Cailloux et bouts de bois pour assiettes et fourchettes,
Des gamins faméliques mâchonnent l'air pensif.
Sur les écrans du monde, entre deux sédatifs,
On aperçoit l'enfance qui joue à la disette.
Sur la photo du père, les mains sur le visage
Ne laissent deviner pas même un bout de nez.
Sur la photo du fils, le même camouflage.
Moralité : C'est bien son portrait tout caché.