Quand tu me dis Madame,
Ça sonne comme un drame
À l'horloge de ma vie.
Ce petit mot rétame :
Madame c'est pour les femmes,
Pour celles qui ont grandi.
Malgré mes rides au front
Et mes slips en coton
Et mes sourires perdus,
Malgré les ans qui vont
Creuser d'autres sillons,
Appelle-moi Lulu.
M'appelle pas Madame,
Certaines le réclament,
Moi je n'y tiens pas trop.
Je n'suis pas grande dame,
Ne joue pas sur leur gamme,
Sur les mêmes pianos.
Je fais des arythmies,
Syncopes ralenties,
Je joue à ma façon.
Avec mes bigoudis,
Allez ! pas de chichis,
Appelle-moi Louison.
Tu n'as pas d'états d'âme,
Me dis encore Madame,
Voudrais-tu me fâcher ?
Et même je le proclame,
Ces syllabes infâmes
Pourraient bien arracher
Quelques larmes à mes yeux
Ou des regards furieux,
Je t'aurais prévenu !
Pourquoi (c'est bien curieux)
Juges-tu injurieux
De m'appeler Lulu ?
Nomme-moi autrement,
Madame c'est trop distant,
Trouve-moi un autre nom !
« Soleil » ou « Fleur de vent »
Si tu n'aimes vraiment
Ni Lulu ni Louison.
Lulu c'est un pseudo
Mais c'est plus rigolo
Que tes salamalecs,
Et puis c'est bien plus beau,
Ca fait moins intello,
Madame c'est un peu sec.
Je sais que tu me blâmes
Mais ton avis n'entame
Pas mes convictions.
La jeunesse de l'âme
Attise de belles flammes,
C'est ma consolation.
Malgré mes quarante ans
Et mes trente et une dents,
Je me sens jeune fille :
Je danse avec le vent
Et ris des errements
De Lulu Pacotille.
Quand tu me dis Madame,
Ça sonne comme un drame
À l'horloge de ma vie.
J'entends déjà le brame
De septembre où se trament
De longues insomnies.
Dans ma vie dissolue
Que des hurluberlus
Aiment à contester,
Je suis toujours Lulu
Et suis bien résolue
À longtemps le rester !