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  • : Au tour de Clo
  • : Décryptage humoristique (ou non) des choses de la vie, délires poétiques, réflexion et bonne humeur.
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3 octobre 2012 3 03 /10 /octobre /2012 19:11

"Vois-tu ma petite nièce (dois-je encore t'appeler ma nièce?), si je t'ai demandé de venir, c'est que j'ai des choses importantes à te révéler.

- Tu as retrouvé les saphirs que le sage indien t'avait offerts ? 

- Non, ce n'est pas ça.

- L'arrière-petite-fille illégitime de Mark Twain te harcèle encore au téléphone pour que tu corriges ses manuscrits ? Oh ! Elle est pénible à la fin !
- Non, ce n'est pas ça non plus.

- Ton boa s'est échappé de son vivarium ?

- Non plus.
- Ah j'ai eu peur ! Tu m'avais dit une fois que Bobby ne m'aimait pas beaucoup, je préfère ne pas le savoir en liberté dans la pièce !

- Bobby n'est pas là.

- Alors il s'est échappé ? "

 

Je bondis presque sur mon siège, enfouissant le menton entre les genoux.

 

"Bobby n'a jamais été là.

- Comment ?

- Bobby, mon boa, mon boa Bobby...

- Ah ! Mon boa Bobby ! C'est marrant !

- Hum. S'il te plaît... " Elle avait dit ce mot d'un ton agacé que je ne lui connaissais pas. "Bobby n'a jamais existé."

 

Je repris une position assise plus convenable et lançai à ma tante un regard d'incompréhension.

 

"Je ne saisis pas là. Ben Bobby, ton boa, tu en parles souvent de ton boa Bobby. Et en fait Bobby... Pas de Bobby ?

- Pas de Bobby.

- C'est pour ça que tu ne me l'as jamais montré.

- En partie. Et aussi parce qu'un boa, ça peut être dangereux.

- Bé ! Un boa qui n'existe pas, ce n'est pas dangereux !

- Si tu l'avais fait exister ça aurait pu le devenir.

- Vraiment, je ne comprends rien à ce que tu racontes. Tu vas bien ? Tu veux que j'appelle ton médecin ? Enfin, s'il est revenu de sa mission humanitaire au Ghana...

- Il n'est pas revenu, il n'est jamais parti.

- Ouh la, si tu commences les énigmes !

- Mon médecin, c'est comme Bobby.

- Il s'est échappé ?

- Non ! Fais un effort ! Ce n'est pas facile pour moi. Mon médecin n'a jamais existé.

- Ah oui ? Et la blessure infectée et purulente que tu avais à la cuisse ? et la bactérie super rare pour laquelle il a su trouver le bon antibiotique ? et tes maladies de peau, elles ont guéri comme ça ? Sans médecin ? Pouf, disparus les furoncles, parti le microbe ? Non, Rosalie, écoute, il faut que je l'appelle, tu ne vas pas bien du tout ! "

 

Je m'approchai du téléphone qui disparut d'un coup. Avais-je rêvé ? Ou était-ce un tour de magie concocté par ma tante ? Je la fixai, incrédule. La voix lasse elle soupira :

 

- Et quoi ?

- Tu as bien vu non ?

- Le téléphone qui disparaît ? Oui j'ai vu.

- Toi, toi tu as rencontré un magicien ! Dis moi tout ! Prénom, âge, a-t-il une cape noire et un chapeau haut de forme ? Il t'a déjà découpée en morceaux ?

- S'il te plaît ! Arrête ! Tu es pénible !

 

J'étais sidérée. Jamais Rosalie ne m'avait parlé de cette façon. Et tandis que son visage rougissait, il me semblait que le décor coquet du salon de tantine devenait transparent, que les meubles s'effaçaient, littéralement gommés de la pièce.

 

- Ouh la, je n'aime pas bien ça moi.

- Si tu me laissais le temps de t'expliquer aussi.

- M'expliquer quoi ?

 

Sa voix se radoucit.

 

- Ma petite chérie, tu sais que tu as toujours eu une belle imagination, que déjà petite, tu parlais de belles histoires pleines de créatures que personne avant toi n'avait jamais inventées, ma petite fille.

- Comme toi tantine ! J'ai de qui tenir !

- Non trésor.

 

Je commençai à trouver ce déballage de petits noms aussi déplaisant qu'inquiétant. Elle reprit :

 

- Tu te souviens, il y a quelques années, je n’ai pas donné signe de vie. Tu n’as pas eu de nouvelles de moi.

- Oui bien sûr je m’en souviens. Enfin, je me souviens surtout de ton retour, tu avais beaucoup changé.

- La période où je n’étais pas là, ça allait bien non ? Tu te sentais bien ? Je ne te manquais pas ?

 

Je baissais la tête un peu honteuse. A vrai dire, non, elle ne m’avait pas vraiment manqué. Comment avais-je bien pu occuper mon temps sans ma tante et ses histoires ?

 

- Ce que je vais te dire, ma chérie, tu le sais déjà. Tu le sais mieux que personne et tu le sais depuis toujours. Ton père et ta mère sont tous les deux enfants uniques. Tu n’as pas toutes les tantes et les oncles dont tu aimes tant parler. Moi-même…

 

J’étais pétrifiée. Non, non, elle ne devait pas le dire, elle n’avait pas le droit c’est moi qui décide, non ! ne le dis pas…

 

- Moi-même je ne suis que le fruit de ton imagination. Tu fais appel à moi lorsque ça ne va pas, que tu n’as pas assez confiance, que tu as besoin de réconfort ou de rêver un peu. C’est toi qui as inventé toute mes aventures, et toutes les tiennes aussi. Regarde chez toi, il n’y a pas de billet d’avion, tes voyages, tu les as vécus dans des livres, les héros que tu as rencontrés sont des vedettes de magazine. Et ton monocycle, c’est un vélo à deux roues.

- Je n’aime pas beaucoup que tu me fasse pleurer, parvins-je à murmurer dans un sanglot

- Tu peux pleurer, personne d’autre n’en saura rien. Moi tu sais, je ne suis qu’une part de toi.

 - Alors pourquoi tu me dis tout ça ? Sur mes voyages et sur mon vélo ? Si tu étais en moi tu ne dirais pas ça, parce que moi je veux y croire, parce que j’ai une tante qui a fait quarante-deux fois le tour du monde, et que le mois prochain je pars en Patagonie !

- Tu m’as voulue presque mythomane, pour te donner l’illusion de ne pas être dupe. Mais tu as commencé toi-même à fabuler . Tu peux inventer la vie d’un autre, mais il ne faut pas te mettre à inventer la tienne. Une vie, ça se vit, ça ne se construit pas sur des fabulations et sur des mensonges. Je te parle comme ça car il y a une part raisonnable en toi.

- Une petite part alors… Et je fais quoi de la grosse partie qui reste ?

 

 Les meubles avaient tous fondu dans l’atmosphère maintenant, et l’image de ma tante commençait aussi à donner des signes de faiblesse.

 

- Continue à inventer si tu veux, mais pas ta propre vie.

 

  Elle disparut complètement et je me retrouvai dans un hangar humide où mes pas jusqu’à la porte résonnaient trop pour mon pauvre crâne endolori. J’enfourchai mon vélo. C’est vrai qu’il avait deux roues. Je rentrai chez moi. Pas de billet d’avion, pas de billet de train. Un simple ticket de bus qui traînait près de mes clés. Je repensais à ce que Rosalie m’avait dit (ou plutôt à ce que je m’étais dit) : on peut inventer d’autres vies, mais pas la sienne. Alors j’ai allumé l’ordinateur, j’ai ouvert une page et j’ai commencé à écrire…

 

«  De mes treize tantes maternelles, Tata Rosalie est celle qui m'a le plus marquée et le plus appris. »

 

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5 septembre 2012 3 05 /09 /septembre /2012 22:07

De mes treize tantes maternelles, Tata Rosalie est celle qui m'a le plus marquée et le plus appris. Il faut dire que Tata Rosalie, huitième de la fratrie (et on sait bien qu'être huitième d'une fratrie de treize, ce n'est pas une place facile à tenir et elle n'en a eu que plus de mérite), a toujours eu un sacré bagou et un caractère bien trempé. De ma vie je n'ai connu personne ayant vécu autant d'aventures ou d'événements extraordinaires. Enfant, ce que j'aimais vraiment chez Tata Rosalie, c'est que, loin de garder pour elle toutes ses histoires, elle me les racontait sans cesse, les yeux brillants, avec force gestes et postures dramatiques. Et moi, curieuse et émerveillée comme savent l'être les gamins à huit ans, je buvais ses paroles et mon chocolat chaud tandis que quelques lampées de Scotch ponctuaient de temps en temps son récit.

 

Elle commençait parfois ses phrases par "à ton âge", et ces quelques mots éveillaient en moi un sentiment mêlé d'envie et de fascination. A mon âge, elle avait plongé avec les dauphins dans des mers bleu turquoise et était restée si longtemps sous l'eau qu'elle avait imaginé se transformer en sirène. A mon âge, elle avait écrit cinquante contes pour ses cinq frères et soeurs plus jeunes, mais elle en avait jeté les manuscrits depuis, trouvant le style insuffisamment travaillé. A mon âge, elle avait chanté devant la Reine d'Angleterre, qui n'avait pu retenir une larme, tant sa voix était cristalline et émouvante. A mon âge, elle aidait mes grands-parents financièrement, grâce à la vente de petits chaussons en laine qu'elle tricotait le soir à la bougie. Il n'y a pas à dire, Tata Rosalie était une enfant précoce.

 

Plus tard, lorsque dans mes révoltes adolescentes je n'écoutais plus aucun adulte et trouvais nul tout ce qui m'entourait, Rosalie (je ne l'appelais plus Tata, ça craignait trop) était la seule de la famille que je tolérais plus d'un quart d'heure à mes côtés. Sa vie me faisait toujours rêver : ses voyages fabuleux, sa collection de reptiles, ses longues discussions avec le Dalaï lama. Elle ne prenait jamais de photographies, je trouvais ça un peu dommage, mais "ça dénaturait le souvenir" aimait-elle à me répéter. Sa période hollywoodienne surtout me captivait. Lorsqu'elle rompit avec Pierce Brosnan, elle m'écrivit une longue lettre pour m'en dire les raisons et m'expliquer qu'au vu de la situation (fin d'histoire difficile où il avait beaucoup souffert), elle ne pouvait plus m'obtenir d'autographe. Mais elle m'avait envoyé dans un colis un mini gel douche d'hôtel que l'acteur avait partiellement utilisé.

 

Pendant une année entière, je  n'eus pas de nouvelles de ma tante. Personne n'en parlait à la maison et je n'osais pas poser de questions. Lorsque je la revis, elle avait beaucoup changé physiquement et parlait à voix très basse. C'était comme ça qu'ils faisaient aux services secrets apparemment. Pendant son absence, elle avait appris trente-sept langues, essentiellement des dialectes de tribus africaines. J'aurais aimé qu'elle m'en enseigne quelques rudiments.  "Cela ne sert à rien d'apprendre cela ma petite, il faudrait que tu voyages comme moi pour pouvoir mettre en pratique ces connaissances."

 

Alors je décidai de prendre le taureau par les cornes, la poudre d'escampette et ma vie en main. "Il faut que moi aussi je vive des aventures hors du commun, que j'engrange autant de connaissances que mon modèle, que je devienne une exploratrice des temps modernes ! "

   

Je m'inscrivis donc à la faculté, pour apprendre six ou sept langues étrangères, puis je partis en voyage les mettre en application. Je rencontrai des Indiens d'Amazonie, des touaregs, des derviches tourneurs, des maharadjahs, des lords écossais. Je me mis au tricot, à la couture et à la pelote basque. Après maints essais, lors de mes voyages en Californie, je réussis à rencontrer Pierce Brosnan. Je lui dis que Rosalie était désolée et qu'elle le respectait malgré tout ce qui s'était passé, mais le pauvre avait dû tellement souffrir qu'il déclara ne l'avoir jamais rencontrée. J'envoyais à ma tante des lettres, avec des timbres merveilleux de toutes les couleurs. Ses lettres à elle étaient toujours timbrées d'un profil de Marianne, car prise par toutes ses aventures, "elle ne pensait à poster son courrier qu'une fois arrivée en France".

 

D'ailleurs elle ne voyageait plus beaucoup, elle ne sortait presque plus, elle se faisait discrète. Un rapport avec les renseignements généraux peut-être... Un jour elle m'appela et me demanda de venir la voir urgemment. Je quittai donc mon cours de capoeira, enfourchai mon monocycle et la rejoignis aussi vite que possible.  

 

La porte était entrouverte. Dans le salon, le fauteuil où je trouvai ma pauvre tantine semblait l'engloutir, tant elle se tenait ratatinée. D'un geste fatigué elle me fit asseoir en face d'elle. 

 

(la suite au prochain épisode...)

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 10:12

Tic tac tic tac tic tac...

C'est mon langage monotone et régulier. Je suis une horloge. Ancienne. En bois. Au mécanisme centenaire.

 

Mes aiguilles font le tour du cadran, deux fois par jour, sans que les jours ne soient les mêmes. Chaque tour est différent mais parfaitement identique. Toujours l'aiguille des heures qui hésite au quart, et l'aiguille des minutes qui remonte la côte de la deuxième demi-heure en faisant moins de bruit comme pour s'économiser. Et chaque jour, deux fois par jour, le même trajet, pour moi. Pas pour eux, pas pour les vivants.

 

Je rabâche, je suis une horloge. Toujours le même bruit, cliquetis monocorde. Je n'ai jamais sonné les heures. Certaines le font, pas moi. On m'a conçue pour ne pas troubler les sommeils trop légers par douze coups de minuit effrayants dans l'obscurité. Je ne compte pas, le temps n'a pas d'importance pour moi. Je fais juste mon travail d'horloge. Celui d'égrener les secondes, mais sans les compter. Juste les faire passer du côté des choses vécues.

 

J'aimerais parfois me poser, m'arrêter, mais on me surveille, et à la moindre défaillance on me remonte (non pas les bretelles, mais le mécanisme, inchangé depuis des siècles, de mon fonctionnement). Le paradoxe est là : tant de gens se plaignent du temps qui passe, et une horloge qui se repose, ça leur donne le vertige, ils s'agitent et paniquent, ont peur de rater un train ou l'heure du dîner chez les voisins.

 

On a bien failli mettre fin à ma carrière, lors d'un déménagement. Un drap mal positionné, un chemin cahotant, un camion trop pressé. J'en ai gardé des éraflures. On m'a poncée, repeinte, vernie, époussetée, choyée. On m'a remontée, forcément. Puis on m'a posée. Cela fait longtemps que je n'ai pas bougé maintenant. Enfin, longtemps... Pour moi je l'ai déjà dit le temps ne compte pas.

 

Tic tac tic tac tic tac

 

Ma tâche est parfois lassante, répétitive. J'essaie de ne pas trop y penser. Je fais ce pour quoi je suis faite. Aurais-je été plus satisfaite si j'avais été un guéridon, une assiette, une balançoire ou un épluche-légumes ? Un objet pas du tout métaphysique (quoique la balançoire...) ? Un objet qui voit du pays, et pas seulement la tapisserie à grosses fleurs du salon où je trône ?

 

Ah ! Comme j'aimerais un jour partir en vacances. A la mer. Me prélasser dans le sable et sentir les vagues lointaines s'approcher dangereusement de moi. Et qu'un instant on n'entende plus la course de mes aiguilles, mais seulement l'eau salée qui caresse le sable. 

 

Tic tac tic tac tic tac

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 10:38

Comme beaucoup de gens, Karl et Susanne se sont rencontrés en boîte.P2081952.JPG

NB : oui, Karl ressemble beaucoup à l'acteur qui joue dans "Omelette aux champignons"...

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10 février 2012 5 10 /02 /février /2012 10:30

Au théâtre, il y a toujours un festival in, mais ne ratez pas le festival oeuf.

 

Venez applaudir :

 

" Les frères brouillés", un vaudeville délicieux, servi par un fabuleux duo comique

"Omelette aux champignons", un texte poignant sur la mixité sociale

"Sur le plat", une comédie frétillante

 festival-oeuf-2.JPG

 festival oeuf

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ne manquez pas la présence exceptionnelle de Dustin Oeuf'man ! Après une lecture l'année dernière du chef d'oeuvre de Stendhal,  "Le rouge et le noir", l'acteur nous fait découvrir cette fois "Le jaune et le blanc".

 

Les frères Bogdan'oeuf vous expliqueront la fabrication et l'utilisation du cocktail molot'oeuf.

 

Enfin,  les contes d'Oeufman, d'Oeufenbach, viendront clôturer le festival.

 

Bons spectacles !! 

 

 

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 16:08

Dans un studio d'enregistrement : une voix œuf (pour le film "fais pas monter la mayonnaise")

 

               P2021937          P2021940           P2021945

 

  à suivre...

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 15:25

Les photos mettant en scène des œufs sont à la mode en ce moment. Je ne veux pas rester sur la touche. Voici ma contribution au thème, et quelques variations...

 

 

                                                                                         Sur un podium : le best œuf

le best oeuf

 

à suivre...

 

 

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 09:04

bonne année 2012 !

 

http://www.dailymotion.com/video/xo61s7_voeux-2012_creation

 

 

Suite à un problème technique indépendant de ma volonté (ou de mes connaissances informatiques...), merci de bien vouloir copier coller l'adresse ci-dessus pour pouvoir voir la vidéo associée à ces voeux.

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 09:39

Il est bon parfois de se remettre en tête l'histoire des grandes inventions qui ont permis au monde d'aujourd'hui d'être le monde d'aujourd'hui, et parfois même le monde de demain... Il est bon également de se souvenir que derrière chaque grande invention, il y a un grand inventeur...

 

Je vais donc faire l'éloge de Salomon Debain.

 

Salomon Debain est né. Je ne saurais vous dire quand ni où, mais si j'en parle, il a forcément existé et a fortiori il est né. Il vient au monde à une époque de transformation de la société, de profond changement . Une époque où les hommes rêvent de progrès et de pureté. Le savon à la lavande et les Coton-Tiges ont d'ailleurs été inventés l'année de la naissance de Salomon, ce qui a sans doute été déterminant dans le processus créatif du futur jeune homme.

 

Les enfants sont cruels. A l'école, où il est un élève assidu, Salomon est affûblé dès son plus jeune âge de toutes sortes de sobriquets et surnoms. Il lutte de toutes ses forces contre les moqueries de ses petits camarades :

- Eh ! Saumon !

- Même pas vrai, je ne mange pas de poisson !

- Eh ! Salami !

- Même pas vrai, je n'aime pas la charcuterie !

- Eh ! Salopiaud !

- Il ne faut pas dire de gros mot ! 

- Eh ! Sal' !

 

Il ne répond rien à ce dernier diminutif, à vrai dire, il le trouve plutôt cool, même si le mot n'existe pas à l'époque. Mais il ne veut surtout pas que l'orthographe de cette dénomination prenne un E, ce qui laisserait planer des doutes sur son hygiène corporelle. Alors en rentrant de l'école, il dit à sa mère : "Maman, je vais me laver, s'il te plaît, qu'on ne me dérange pas, ne rentrez pas dans la cuisine pendant ce temps". A l'époque, une bassine servait de baignoire et la seule source d'eau chaude provenait de la vieille bouilloire qui reposait le reste du temps dans la pièce à vivre et à tout faire, entre un tisonnier et un chat roux.

 

Malgré la demande de son fils, Mme Debain ne peut empêcher sa fille aînée, qui a un besoin urgent de ses sabots, d'entrer dans la pièce où se lave Salomon. En voyant entrer sa soeur, le garçon dont seule la tête dépasse de la bassine s'écrie à l'instar d'Archimède : "Eurêka" (car c'est le prénom de la jeune fille). Immédiatement une idée lui vient : "Eurêka, veux-tu bien dire à Maman qu'il faut absolument créer une pièce dans la maison spécialement dévouée à la toilette ? Chacun sera bien plus tranquille."

 

Plusieurs années passent avant que le projet ne prenne forme. Le père Debain ne veut pas en entendre parler, la mère n'a pas d'avis, Eurêka répète "c'est une bonne idée, mais comment la mettre en oeuvre ?" et Salomon économise chaque sou durement gagné à la sueur de son front (et à celui de sa soeur) pour construire la cloison qui fera sa gloire.

 

A 18 ans, et malgré les simagrées de son géniteur, son oeuvre est terminée. Il en parle autour de lui. Les gens se pressent pour voir "la pièce de toilette". La nouvelle de cette innovation arrive aux oreilles du maire, qui vient en personne admirer la trouvaille. Il en parle au sous-préfet, qui en informe le préfet, puis les plus hautes instances de ce pays... Vous dire que les plus grands hommes à la tête de l'état ont tous défilé dans la petite pièce miraculeuse est inutile, vous vous doutez qu'ils y vinrent tous.

 

La renommée du jeune inventeur fut immense. Je ne comprends d'ailleurs pas que de nos jours, on n'enseigne plus la vie et l'oeuvre de Salomon Debain dans les écoles... Cette célébrité le fit d'ailleurs appeler LE Debain, comme on nomma la chanteuse La Callas, le peintre Le Tintoret ou la vache la Noiraude.

 

On voulut changer le nom de la pièce qu'il inventa. On reprit le diminutif qui lui plaisait tant, Sal', auquel on rajouta LE Debain. L'évolution de la langue aboutit à sal-le debain, puis salle de bain, puisque une particule était nécessaire à la gloire de ce grand homme et rajouter un "de" qu'il avait par ailleurs déjà dans son nom lui aurait donné un aspect bégayant. D'ailleurs, les débats au sujet de cette particule et du nom à donner à l'invention donnèrent naissance à la phrase célèbre : "salle de Debain, ça sonne moins bien".

 

Voilà. Vous en savez plus sur Salomon Debain. La prochaine fois que vous vous brosserez les dents, ayez une petite pensée pour ce grand homme aujourd'hui tombé dans l'oubli.

 

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6 janvier 2012 5 06 /01 /janvier /2012 17:11

"Ah ça ! c'est sûr qu'il vaut mieux attendre ici qu'être en rade sur le bord de la route", déclare avec un fort accent breton un de mes voisins qui demande des jeux à gratter. Je l'imite, mais sans prendre l'accent du coin. On me tend un petit panier en osier dans lequel des tickets de toutes sortes et de toutes couleurs sont mélangés. J'en choisis deux, je gratte, sous l'oeil attentif du patron.

 

- Perdu...

- Normal, ça fait deux ans que personne n'a rien gagné.

- Et vous ne me l'avez pas dit ?

- Vous ne m'avez pas demandé.

 

Il s'agissait d'une boutade : mon voisin a deux tickets gagnants. Je retente ma chance. "Deux tickets encore s'il vous plaît". Zut, je pensais qu'avoir la guigne d'un côté apportait de la chance de l'autre. Ah ! Huit euros ! Mon café est payé et mes jeux remboursés. Ce n'est pas grand chose, mais ça me rassure : j'essaie au possible de ne pas laisser la poisse s'installer. C'est un combat entre elle et moi. Je remonte aussitôt sur le ring sinon je suis foutue, la scoumoune s'installe pour deux trois semaines. C'est comme un rhume, faut traiter dès le début, faut pas laisser traîner ces choses-là !

 

NDA : Je rappelle cher lecteur que "jouer comporte des risques" comme le précisent si bien certaines annonces à la radio. Personnellement ça va bien, merci de vous inquiéter, je n'ai d'autre addiction que celle de connaître les statistiques de lecteurs sur mon blog chaque matin...

 

Mon téléphone sonne. Mon sauveur est arrivé. Je dis au revoir à la compagnie, les assure du plaisir que j'ai eu à partager un café avec eux. On me souhaite bonne route. Je franchis la porte et vois arriver sous la pluie nocturne mon homme, fier et droit, tenant dans la main droite un jerricane. Le réservoir suffisamment rempli, nous rentrons à la maison.

 

Voilà donc cher lecteur, comment j'ai connu la petite ville de Treglamus, et accessoirement, le seul bar où j'ai gagné plus d'un euro aux jeux à gratter en Côtes d'Armor.

 

 

                                                                               *******

 

EPILOGUE

 

Il y a des contes où le prince vient libérer la princesse d'un monstre légendaire, d'autres où il ramène la potion de vie pour ranimer sa douce évanouie après qu'une rose l'a piquée (mais tout va bien parce qu'elle est vaccinée contre le tétanos). Il y a des histoires où, alerté du danger par le vent du Sud et dépêché par une corneille bienveillante, le héros retrouve la route du combat. 

 

Dans les contes modernes, la princesse roule en Clio, la potion de vie est du carburant, le vent du Sud est un téléphone portable et la corneille un GPS.

 

Classiquement, le prince sauve la princesse d'une fin funeste : une mort certaine dans une forêt remplie de bêtes sauvages et affamées. Ou dans mon cas, la perspective peu réjouissante de trouver un petit hôtel pour la nuit, régler le problème d'essence le lendemain et rentrer penaude à la maison.

 

Ce qui ne change pas ? Le regard de reconnaissance de la damoiselle et l'air de fierté du gentilhomme, le baiser langoureux qui referme le livre, et l'assurance de vivre encore de bien trépidantes histoires.

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